Les Contrats d'Exploitation d'Oeuvres Originales Sur l'Internet
Par Nicolas Valluet
Cet article est le premier d'une série d'articles ponctuels écrits
par des avocats de différents pays du globe sur la législation
internationale concernant l'animation. Ce premier article traite de l'exploitation
d'uvres sur l'Internet, au regard du droit francais.
La mise en ligne d'une oeuvre originale exige que le titulaire des droits
sur l'oeuvre (auteur ou cessionnaire) autorise spécifiquement le
diffuseur- exploitant du service en ligne à exploiter l'oeuvre sur
l'INTERNET.
L'existence de contrats antérieurs prévoyant la cession de
droits pour certains supports sans que soit visé la mise en ligne
n'est pas aujourd'hui suffisante pour que le diffuseur puisse s'estimer
titulaire du droit de diffuser l'oeuvre sur le réseau.
La jurisprudence tend en effet à exiger la signature d'un contrat
spécifique ce qui a également le mérite de clarifier
les droits des parties.
Au regard du droit français ce contrat devra comporter cession du
droit de représentation de l'oeuvre sur le réseau et le plus
souvent cession du droit de reproduction.
Le droit de représentation consiste dans la communication de l'oeuvre
au public par un procédé quelconque direct ou indirect, comme
la télévision ou l'INTERNET.
De son côté le droit de reproduction emporte autorisation de
fixer matériellement l'oeuvre ce qui comporte la reproduction sur
support papier par édition ou reproduction par procédé
numérique dans la mémoire d'un ordinateur.
L'auteur peut refuser de céder son droit de reproduction et exiger
du diffuseur qu'il interdise le télé-chargement par les visiteurs
du site des informations figurant sur son serveur toutefois cette interdiction
sera difficile à mettre en oeuvre techniquement ce qui milite à
mon sens en faveur de la cession du droit de reproduction.
Se pose alors les questions liées à l'étendue des droits
cédés dans le cadre du contrat ce qui comprend en particulier
le mode de rémunération, le territoire, la durée de
cession et le respect du droit moral de l'auteur.
Il convient de passer en revue les principeaux points à négocier
entre les parties pour la conclusion du contrat de cession de droits.
Concernant le territoire, il est illusoire de limiter la cession à
tel ou tel territoire compte tenu du caractère international de l'INTERNET
et de ses utilisateurs qui pose des difficultés matérielles
de localisation.
L'attention des parties doit donc être portée sur la durée
de cession et sur le mode de rémunération de l'auteur.
C'est ainsi que les parties doivent se décider entre une rémunération
proportionelle si son calcul est possible et une rémunération
forfaitaire ou encore la combinaison des deux.
Compte tenu des difficultées à prévoir pour le calcul
de la rémunération proportionelle lors de la mise en ligne
d'une oeuvre, il est plus rationel de prévoir un système de
rémunération forfaitaire de l'auteur.
A ce stade il est indispensable de se pencher sur l'influence du mode de
rémunération de l'auteur sur la durée des droits cédés.
En effet, la conjugaison d'une cession de longue durée et d'une rémunération
forfaitaire apparaît comme dangereuse pour l'auteur puisqu'il perd
le contrôle financier de son travail pour une longue durée.
Car s'il est théoriquement possible de céder les droits pour
toute la durée de protection du droit d'auteur il est d'usage dans
le domaine numérique de prévoir une durée de cession
limitée assortie le cas échéant d'une clause de reconduction
automatique sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties.
En synthèse, on peut dire qu'il existe une liberté de choix
pour les parties relativement à la durée de cession des droits
d'exploitation de l'oeuvre mais que le système associant une rémunération
forfaitaire avec une durée de cession limitée à les
faveurs de la jurisprudence et de la doctrine française.
A côté des droits patrimoniaux, il convient enfin de se pencher
sur le droit moral de l'auteur qui est une spécificité du
droit continental européen qui n'existe pas aux Etats-Unis.
Le droit français pose le principe de l'incessibilité du droit
moral de l'auteur qui s'analyse comme un droit extra-patrimonial et confère
à l'auteur le droit au respect de son nom, de sa qualité et
de son oeuvre et sur la divulgation de cette dernière.
Le droit moral a la particularité d'être attaché à
la personne de l'auteur, d'être perpétuel, inaliénable
et imprescriptible.
Le droit moral reste donc attaché à l'auteur et à ses
héritiers qui ne peuvent le céder et qui disposent donc d'un
droit de regard sur l'exploitation de l'oeuvre après la cession éventuelles
de leurs droits patrimoniaux.
C'est ainsi que l'auteur ou ses héritiers peuvent s'opposer à
l'usage qui est fait de l' oeuvre après la cession des droits d'exploitation.
Il résulte de ce qui précède que le droit français
est protecteur des intérêts de l'auteur et qu'il est indispensable
que le diffuseur tire ses droits d'un contrat écrit prévoyant
la durée et le mode de rémunération de la cession et
qu'il ait conscience de l'existence du droit moral de l'auteur.
Nicolas VALLUET
Nicolas VALLUET est avocat à la Cour de PARIS, associé
du cabinet VALLUET-ACHACHE et associés ainsi que Président
de l'Association des Avocats du Droit d'Auteur.
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