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Festivals de Films d'Animation

Bruno Edera probes the history of international animation festivals, showing their origin goes back further than most people think.

Bruno Edera

Parmi les facteurs de reconnaissance de la richesse et de la variété du film d'animation, il en est un qui, au fur et à mesure des années, est devenu essentiel, c'est celui des festivals. I1 en existe actuellement plusieurs centaines à travers le monde, mais, paradoxalement, leur histoire est relativement récente dans l'histoire du cinéma, même si l'art de l'animation a précédé l'invention du cinématographe. Ayant personnellement deux qualifications dans ce domaine, celle d'historien d'une part, et de programmateur-producteur de télévision d'autre part, j'ai eu la chance de pouvoir suivre de telles manifestations dès le début des années soixante, et je remercie Annick Teninge de m'avoir demandé mon opinion sur les festivals ; cela m'a donné l'occasion d'une réflexion que je n'aurais jamais faite autrement. Les lignes ci-dessous reflètent un avis personnel, issu d'une réflexion courte et spontanée du vieux "rat de festivals" que je suis depuis une quarantaine d'années, hantant les salles obscures de l'image par image. L'animation est pour moi comme une gourmandise que j'aime à faire partager ; gourmandise qui existe grâce à des auteurs, réalisateurs, producteurs, artistes et techniciens de toutes tendances, mais que l'on apprécie généralement en première vision que lors de festivals, en tous cas en ce qui me concerne, car i1 y a partage avec le public, et communication avec les créateurs. C'est vrai aussi pour le public, avide de productions cinématographiques qui se présentent sur grand écran et, de plus en plus, sur les écrans de télévision, car plusieurs chaines proposent aujourd'hui des émissions sur les festivals. De plus, il est peu de domaines de la création où, comme dans le film d'animation, on puisse voir - même si des jurys de sélection sont maintenant devenus indispensables - chaque année, et même plusieurs fois par année, la plus récente production de films d'auteurs du monde entier. Pouvoir participer à un festival de films d'animation est un grand privilège qui m'inspire de plus en plus profondément le respect de ceux qui font les films, mais aussi de ceux qui font 1'effort de les montrer ; un festival est le rendez-vous des professionnels de l'animation avec leur public, la presse, la télévision, les ciné-clubs, les acquéreurs potentiels de droits, la critique et l'historiographie ; mais aussi les admirateurs et les amis, voire la famille. C'est aussi un certain nombre de moments critiques : l'inauguration de la manifestation, la présentation de son oeuvre, l'attente des réactions du public immediatement après une projection, l'éventuelle discussion "de bistrot", et, moment certainement angoissant pour tout créateur, mais aussi pour les participants "neutres", l'attente du palmarès ; moment où les regards se fixent vers l'avenir; moment d'intense joie chez certains, de cruelle désillusion chez d'autres. On pourrait faire des discriminations entre festivals ; ceux qui sont riches et bien dotés - généralement ils savent le montrer ; d'autres ont largement compensé le manque de moyens par un accueil exceptionnel - la qualité des publics, leur détermination à manifester ou non leur approbation ou désapprobation, ce qui se sent par exemple lors de la lecture du palmarès. On pourrait ainsi se répandre sur un nombre illimité de critères de jugement en rapport avec un festival ; en ce qui me concerne à chaque festival auquel j'ai la possibilité d'assister, et cela conmence à en faire un bon nombre, je viens maintenant toujours avec l'idée "Qu'est-ce que je vais bien pouvoir y trouver de nouveau" (prétentieusement je crois avoir tout vu... ) et chaque fois j'en repars avec de nouvelles références aussi bien sur mon carnet de notes d'historien, que sur mon futur carnet de commandes pour les émissions que la TSR (Television Suisse Romande) présente régulièrement.

Le festival de films d'animation est un moment vital dans mes activités, et je suis très heureux quand j'ai l'occasion de dire à quelqu'un qui voudrait voir des films :"Allez donc à tel ou tel festival, c'est là que vous verrez ce qu'est ce monde merveilleux de l'animation, sous toutes ses formes".

On entend parfois dire qu'il y a trop de festivals, c'est peut-être partiellement vrai lorsque l'on sait que tous les réalisateurs ne possèdent pas suffisamment de copies pour participer à tous; pour ma part je pense que tant qu'il s'en créera de nouveaux, c'est un signe réjouissant de l'attrait que l'animation peut susciter. Chaque spectateur qui, à travers le monde, va à un festival voir des films d'animation - du festival intemational jusqu'au festival familial local - rend hommage à des créatrices et créateurs qui s'investissent énormément dans leurs oeuvres et n'ont parfois qu'une trop brève "communion" avec le public. Le mot communion peut faire songer à une religion, mais on peut associer l'animation à une sorte de religion ; ceux qui font les films font un travail de bénédictin ; leurs messages se situent généralenent au niveau d'une conscience universelle ; ils parviennent à déclencher une reflexion émotionnelle dans une très courte durée, et l'on va dans un festival comme on va à l'église, avec 1'espoir que l'on verra un chapelet de bonnes choses.

Une Tentative de Situation Historique

L'histoire des festivals de films d'animation est peut-être plus ancienne qu'on le pense généralement ; en effet et pour autant que cela ne souffre pas de contestation, c'est en 1946, lors du premier Festival de Cannes qu'une première manifestation, plus particulièrement francaise est citée ; puis Le Film Francais - numéro special no. 172 - mentionne en page 73 " le premier festival international de dessins animés sous la forme d'un article signé J. Diterle.

On n'oubliera pas, cependant de rappeler que, à ce moment-là, depuis plusieurs années, des Oscar de l'animation étaient déjà attribués aux Etats-Unis ; mais comme le cadre n'en était que professionnel, on ne peut pas assimiler ces manifestations à des festivals et nous n'en tiendrons pas compte ici. Ce qui caractérise un festival, c'est la rencontre des films, des réalisateurs avec l'élément essentiel qui en détermine leur valeur, c'est à dire le public.

Affiche des premières JICA d'Annecy en 1960

En 1954 le Club Gente de Cinema de Buenos Aires, en Argentine a montré une importante programmation de films d'animation internationaux ; un autre festival a également eu lieu dans cette ville en 1961.

Nous n'avons pas pris la peine, jusqu'ici, de rechercher plus antérieurement des sources ou références, nous contentant, à notre modeste niveau de nous intéresser plutôt aux références francaises comme "débuts probables" des activités de festivals dédiés à l'image par image. Ceci nous a permis de trouver un simple feuillet daté du 6 mai 1955 et édité lors du 8e Festival de Cannes, portant pour titre: "Hommage aux pionniers du film d'animation", qui annoncait la manifestation organisée lors du festival suivant et qui, à notre connaissance, fut à la base du mouvement maintenant parfaitement planétaire de la reconnaissance, par festival interposé, de l'importance du film d'animation dans le monde.

Naissance des JICA

Lors du 9e Festival International du Film de Cannes, en 1956, eurent lieu, entre le 26 avril et le 4 mai, les premières Journées Internationales du Cinéma d'Animation (JICA) organisées par l'Association Francaise pour la Diffusion du Cinéma, sous l'impulsion notamment de Pierre Barbin et André Martin. Une centaine de flims provenant du monde entier y furent présentés ; ce n'était pas encore un Festival au vrai sens du terme comme on le conçoit maintenant, mais cette initiative a suscité beaucoup d'intérêt parmi les festivaliers et les professionnels de l'animation, après qu'une seconde édition des J.I.C.A. se soit deroulée à Cannes en 1958.

Faire un Film Pour Annecy

En 1960, quelques personnes on travaillé pour que les JICA volent de leurs propres ailes et ne dépendent plus du festival de Cannes; I1 y avait alors à Annecy un ciné-club d'importance nationale et c'est ainsi que les JICA y ont trouvé un nouvel endroit pour se dérouler ; parallèlement, plusieurs réalisateurs et promoteurs de l'animation ont mis sur pied une Association Internationale du Film d'Animation [ASIFA], dans ce contexte alors encore quelque peu familial. On se souviendra que le festival avait lieu, au début, les années paires : 1960, 1962, puis les années impaires à partir de 1963, et qu'il n'y en eut pas en 1969. Ainsi celui de 1997 sera le 21ème.

Connu dans le monde entier, le festival d'Annecy est le plus important, l'incontournable, peut-être le seul au sujet duquel des réalisateurs disent "je fais un film pour Annecy" Pour les festivaliers qui le suivent depuis les débuts, il y a eu un très grand changement; c'est devenu une manifestation où il est impossible de tout voir, où un choix s'impose de facon drastique entre Festival, Marché, Retrospectives, Expositions etc. Durant une période, il y eut aussi, les années sans festival, des Rencontres Internationales du Cinéma d'Animation [les dernières eurent lieu en 1990, conjointement avec la célébration du 30e anniversaire du festival].

Dessin de Bruno Bozzetto à l'occasion du premier Festival d'Annecy

Et Ailleurs?

Pour conserver un élément de comparaison chronologique, on se situe, généralement, par rapport au festival d'Annecy, ce qui est pratique notamment parce que sa première édition (1960 ) concorde avec la naissance de l'Association Intemationale du Film d'Animation, et que l'on peut établir des situations par tranches de dix ans. Durant la première decennie "post-annécienne", on note la naissance, parfois aussi la cessation, de quelques festivals ou manifestations, sans que la liste donnée ici soit exhaustive.

Il y eut, en Chine, un festival à Pekin, en 1960 ou 61. En 1965, lors de la 8ème Biennale de Sao-Paulo, au Brésil a été organisé un premier festival international de cinéma d'animation; or on sait qu'il y a actuellement de nouveau un festival au Brésil [Anima Mundi] ; un autre Festival International du Cinéma d'Animation a eu lieu la même année au Centre Artistique Sogetsu de Tokyo.

"The First festival of Animated Film" s'est déroulé à Los Angeles en 1965.

En 1966 se crée le festival international du film d'animation de Mamaia, en Roumanie, en alternance avec Annecy; il y eut 3 editions, en 1966, 1968 et 1970 I1 offrait la particularité de se dérouler dans un cinéma de plein air, au bord de la Mer Noire, ce qui lui conférait une atmosphère toute spéciale. 1967 est l'occasion d'une manifestation unique dans le cadre de 1'Expo de Montreal "The World Retrospective of the Animated Cinema" au cours de laquelle, entre autres, il y eut l'organisation d'un concours spécial : les réalisateurs ont pu proposer des réalisations sur le thème "Terre des Hommes", d'une durée fixée à 50 secondes; une centaine de films participèrent au concours.

En 1968 nait le festival de Cambridge, qui etait non compétitif, et dont l'actuel Cardiff est la suite. La même année, dans le cadre du London Festival, nait une section Animation.

En 1969 nait le festival de Lucca, en Italie, qui n'existe malheureusement plus.

Durant la période 1970 à 1979, le nombre de manifestations internationales n'augmenta pas de beaucoup à notre connaissance, mais certaines d'entre elles sont devenus importantes. 1970 a vu une première Rencontre d'Abano Terme, en Italie ; Mamaia ayant cessé en 1970, il fut, en quelque sorte, remplacé, dès 1972, par Zagreb qui, lui, dure encore malgré une situation difficile - qui n'a rien à voir avec l'animation - et continue d'être un rendez-vous biennal de choix. 1973, 1974 et 1975 sont les années où il y eut un festival à New York. Dès 1976 Espinho au Portugal, annuel, festival de fin de saison ; toujours en 1976, c'est l'apparition du seul festival sur continent américain qui existe encore : Ottawa, qui s'est un peu deplacé à travers le Canada avant d'y revenir il y a peu. Enfin, en 1979, c'est l'apparition du Festival de Varna (Bulgarie) qui n'existe plus non plus, mais qui devrait, nous a-t-on dit, renaître bientôt; c'est également un festival "marin" puisque situé au bord de la Mer Noire.

Logo du Festival de Stuttgart.

Pour la période de 1980 à 1989, it n'est plus possible d'établir une liste, tellement le nombre de manifestations a augmenté, je ne citerai, en vrac, que ceux que je connais ou qui ont une reputation intemationale : Dès 1982 : Stuttgart, biennal ; Krok, festival qui se déroule sur un bateau et dont ce sera la quatrième édition en 1997; Shanghai, Hiroshima; et une quantité d'autres, aussi bien internationaux que nationaux ou même régionaux, parmi lesquels : Marly-le-Roi (national, France); Bourg-en-Bresse (films pour la jeunesse, France); Rennes (France); Tolboucjkine (national, Bulgarie) ; Soleures (national, Suisse).

Dans la documentation que je possède, sont encore mentionnés: en 1980, Chicago ; en 1981, Genk ; en 1987, Tokyo ; en 1987, Uttrecht; sans compter les festivals de courts métrages avec une section animation du type Clermont-Ferrand (France), Leipzig et Dresden (Allemagne), etc.

J'ai encore une centaine de noms, idées et considérations personnelles, mais cela devra faire l'objet d'un autre article...

Bruno Edera est producteur/programmateur à la Télévision Suisse Romande (TSR) et historien du cinéma d'animation. Il a publié differents ouvrages sur le cinéma d'animation (cinéma africain, érotisme et dessin animé). Il a notamment été membre du Jury des Festivals d'Espinho, Lucca et Zagreb et membre des comités de sélection des festivals de Varna, Geneve-Computer Animation,and Annecy.

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