ANIMATION WORLD MAGAZINE - ISSUE 5.04 - JULY 2000

L'histoire d'Annecy: 40 ans de célébration de l'art de l'animation
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Bill Littlejohn assista pour la premiere fois au festival en 1963, sur les conseils de John Hubley. A Annecy il découvrit avec étonnement l'animation européenne et russe, si différentes du travail des studios hollywoodiens. Le festival inspira "The International Tournée of Animation," qui débuta à Los Angeles à la fin des années 60, initiée par Bill Littlejohn, Lester Goldman et Ward Kimball. Plus tard, la Tournée se transforma en l'actuelle "World Animation Celebration."

Annecy offrait aux animateurs la possibilité de se retrouver dans une atmosphère détendue, aux terrasses des cafés, et nombre d'animateurs tombèrent sous le charme d'Annecy et de son lac. A l'époque il n'y avait qu'une seule salle de projection, le charmant vieux Théâtre rouge et or, au bord du lac. Les gestionnaires du Théâtre-Casino avaient oeuvré en faveur du transfert des JICA de Cannes à Annecy, et avaient même offert de contribuer financièrement à l'organisation du festival. En tant qu'association culturelle locale, le Casino devait présenter un certain nombre de spectacles vivants (danse, théâtre, ect.) et le festival représentait l'occasion de remplir ce mandat. Les gérants du casino étaient également avides de voir arriver la clientèle de Cannes. Ils furent très déçus de découvrir la bande de l'animation, ces "clodos" qui buvaient des menthes à l'eau assis sur les marches du Théâtre et faisaient fuir les clients du casino.

La rupture de 1982
Le festival était organisé depuis son siège parisien, dirigé par Pierre Bardin, en collaboration avec le Ciné-Club d'Annecy, mené par Henri Moret, Georges Gondran, Georges Granchamp et Claudette Dagand. Il attirait entre 300 et 400 films par édition, un chiffre énorme pour l'époque. Le programme était composé d'une projection de films en compétition par jour, de quelques rétrospectives et d'une exposition. Au fil des ans, Annecy se tailla une niche et devint le havre des films d'auteurs, qui étaient invariablement des courts métrages.

Cependant, en 1982, le Conseil d'Administration opta pour le changement. Pierre Jacquier, Président à cette époque, explique: "Le festival marchait bien, mais il tournait en rond. Il était devenu une sorte de refuge pour les films d'auteurs. Il passait à côté des nouvelles technologies et des nouveaux types de cinématographie." Tout le monde n'était pas d'accord avec Raymond Maillet, le directeur du festival qui avait succédé à Pierre Bardin en 1971. Les annéciens lui reprochaient son exercice solitaire du pouvoir (Raymond Maillet sélectionnait lui-même les films à Paris, avec l'aide de quelques autres professionnels de l'animation). Son attitude envers l'équipe locale était perçue comme méprisante. De plus, le festival était très académique, et les films expérimentaux (Ecole de Cal'Arts), didactiques ou pleins de bons sentiments (Frédéric Back) étaient regardés avec dédain.

Ce mécontentement grandissant coïncida avec l'apparition de conflits entre Raymond Maillet et l'ASIFA, parallèlement au développement des associations culturelles locales impliquées dans l'organisation du festival. Soutenu par l'ASIFA, le Conseil d'Administration du festival decida de transférer son siège à Annecy. Cette décision ne fit pas l'unanimité et la communauté de l'animation se divisa profondemment. Raymond Maillet, soutenu par quelques professionnels de renom, attaqua le festival. Annecy fut qualifiée de petite ville de province réactionnaire qui tentait de s'approprier le festival. Le CNC trancha en faveur d'Annecy et, en 1982, une nouvelle équipe de direction s'installa à Annecy.

Raymond Maillet rompit avec le festival, suivi par un nombre significatif de professionnels. Plus tard, il fonda le Festival National du Film d'Animation à Marly-Le-Roi (région parisienne). En 1999, pour sa 12eme édition, le festival de Marly-Le-Roi se deplaca à Auch, au centre de la France.

Les Etapes Marquantes
Poussée par un fort besoin de démocratie, extrêmement motivée, la nouvelle organisation dut néanmoins se tourner vers l'extérieur pour organiser en quelques mois l'édition à venir. Nicole Salomon fit appel au festival de Zagreb, qui apporta son soutien à Annecy. Jean-Luc Xiberras, le nouveau directeur du festival, put bénéficier du tout nouveau centre culturel de Bonlieu, qui remplacait le Casino. Il décida d'augmenter le nombre de salles de projection et d'utiliser l'ensemble des structures d'accueil d'Annecy. Ainsi, pour son édition de 1983, le festival organisa des projections dans six salles différentes, et le nombre de projections tripla. Divers hommages, rétrospectives et expositions furent ajoutés à la programmation officielle. La réponse fut positive et le nombre de festivaliers grimpa jusqu'à 1.300. Huguette Parent, de l'Office National du Film du Canada, commenta: "Annecy a donné de nouvelles normes aux festivals."

L'étape suivante fut l'intégration de l'ensemble des techniques d'animation à la compétition, y compris les suspectes nouvelles technologies. En 1985, les séries télé, publicités et films de commandes furent ajoutés aux catégories déja existantes, avec la création de comités de sélection par genre (un comité pour les courts et longs métrages, un pour les films de télévision et films de commande). Dans le même esprit, en 1993, le festival instaura deux jurys, avec des prix distincts pour chaque catégorie mais un seul grand prix du festival. La formule fonctionna en 1993, mais en 1995 les jurys, incapables de se mettre d'accord sur le grand prix, décidèrent d'attribuer deux grand prix ex-aequo. La résultante fut la modification, en 1997, du règlement du festival, avec la création de deux grands prix. Le prix de films d'école et de fin d'études a été créé en 1996. Le prix de la première oeuvre a été rebaptisé "Prix Jean-Luc Xiberras" après la disparition du directeur du festival fin 1998.

Paradoxalement, jusqu'à ces dernières années, le festival était plus populaire à travers le monde que dans sa propre ville. En 1993, les organisateurs décidèrent d'installer un écran géant au bord du lac, avec des projections gratuites chaque soir du festival. L'évènement réunit instantanément des milliers de spectateurs, petits et grands, et l'ouverture avec "Fantasia" fut un grand moment du festival. Ces projections grand public en plein air firent beaucoup pour la reconnaissance du festival par les habitants d'Annecy.

Avec six jours non-stop de programmes de films en compétition, d'hommages, de rétrospectives et d'expositions, avec des films provenant des quatre coins du monde (Albanie, Inde, Chine, Amérique Latine, Afrique, etc.), Annecy est le paradis de l'animation. Un certain nombre de festivaliers ont cependant le sentiment qu'il y a surabondance, et sont frustrés de ne pouvoir tout voir. Il faut noter que ce foisonnement a été un choix délibéré de Jean-Luc Xiberras, qui pensait que le public d'Annecy étant aussi éclectique que l'animation elle-même, la programmation se devait d'être abondante et variée. Il pensait également, à tort ou à raison, que l'abondance etait inhérente au festival et que la frustration faisait partie du jeu.

Un Marché Spécialisé
Sur une idée de Pierre Jacquier et Nicole Salomon, le Conseil d'Administration du festival commenca à réfléchir sur le concept d'un marché du film. Ils étaient arrivés à la conclusion que les films seraient envoyés à Annecy s'ils avaient une chance d'y trouver un distributeur. En 1983, le festival installa un marché prototype dans le hall d'accueil du centre Bonlieu. C'était une sorte de marché informel, avec des tables-trétaux et quelques sociétés vendant du matériel (essentiellement crayons et gouache) accompagnées de quelques courageux producteurs qui souhaitaient rencontrer les animateurs. Cette manifestation improvisée permit néanmoins au festival de créer le premier Marché International du Film d'Animation (MIFA) en 1985, avec des stands installés dans un espace d'exposition de 500m2. Les exposants étaient essentiellement francais, avec quelques européens. Il y avait très peu de producteurs de télévision.

 

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