ANIMATION WORLD MAGAZINE - ISSUE 3.8 - November 1998


Chronique image par image d'une collection unique
Le Cinéma d'Animation à la Cinémathèque Québécoise

par Jean Hamel

La Cinémathèque Québécoise.

La Cinémathèque a choisi de se spécialiser en cinéma d'animation suite à des circonstances particulières. On doit admettre que du fait de la présence à Montréal des deux studios d'animation de l'Office National du Film, il existe depuis longtemps un intérêt exceptionnel pour l'animation au Québec et au Canada. Rappelons que depuis les années de guerre avec Norman McLaren, l'animation est l'un des domaines où le cinéma canadien s'est fait connaître mondialement. Ces facteurs, liés à l'intérêt que la Cinémathèque a porté dès les débuts au film animé, l'ont incité à organiser, dans le cadre du 8e Festival International du Film de Montréal et à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1967, une rétrospective mondiale du cinéma d'animation de ses origines à nos jours.

250 films répartis en dix-huit séances furent présentés depuis les primitifs américains jusqu'aux Grands Prix des Festivals d'Annecy en passant par des oeuvres canadiennes et divers programmes thématiques. Cette manifestation donna lieu à une rencontre internationale d'environ 200 cinéastes d'animation et à une confrontation des techniques contemporaines. La rétrospective était accompagnée d'une exposition mondiale retraçant l'évolution du cinéma image par image et soulignant ses liens avec la bande dessinée. Plus de quinze pays y participèrent. Placé sous le patronage de la Fédération Internationale des Archives du Film (FIAF), de l'Association Internationale du Film d'animation (ASIFA) et avec la collaboration de l'Office National du film du Canada, l'événement remporta un succès éclatant.

Des débuts prometteurs
Cette initiative de grande envergure fut l'occasion pour la Cinémathèque de faire des recherches sur les débuts de l'animation, d'interviewer des pionniers et d'acquérir aussi (de restaurer dans certains cas) un grand nombre de copies. D'autre part, des cinéastes, artistes ou sociétés cédèrent à la Cinémathèque une partie des documents exposés au cours de l'exposition. Nous étions donc désormais en possession d'un fonds important qui nous permettait de prétendre à une spécialisation dans ce domaine.

C'est à ce moment que
Louise Beaudet (1927-1997) fut confirmée dans sa fonction de conservateur du cinéma d'animation à la Cinémathèque Québécoise.

À cette époque, la Cinémathèque ne possédait que quelques films de l'ONF et de rares copies provenant du secteur privé. La collection a commencé à se constituer véritablement en 1967 quand 250 films muets relatifs aux pionniers américains furent acquis pour l'hommage qui leur fut rendu au cours de la rétrospective. Nous avons veillé à assurer une suite logique de l'histoire en acquérant systématiquement au-delà de trois cents titres de la période fastueuse des années 30-50 du Hollywood cartoon.

L'ouverture des portes des archives. Photo © Cinémathèque Québécoise.

Des acquisitions nouvelles
Les échanges ont été particulièrement fructueux avec l'Europe de l'Est. Nous comptons aujourd'hui quelques centaines de films parmi les meilleurs produits en Pologne, Bulgarie, Yougoslavie et Tchécoslovaquie. Ce chiffre n'inclut pas les séries réalisées pour la télévision déposées par ces pays. Il faut souligner aussi la générosité de Gosfilmofond de l'ex Union soviétique à notre égard. Pas moins de sept longs métrages nous sont parvenus par leur intermédiaire, auxquels se sont ajoutés de nombreux courts métrages tant anciens que récents.

L'année 1982 a été marquée par la présentation de l'exposition L'art du cinéma d'animation au Musée des beaux-arts de Montréal. Cet événement a favorisé le dépôt par l'Office National du Film d'une large partie de sa production de films animés, complétant le fonds accumulé tout au long des ans. Par ailleurs, les projections de films qui accompagnaient l'exposition du Musée ont donné lieu à l'achat d'environ soixante-dix copies, de sorte que l'aspect contemporain de la collection s'en est trouvé plus à jour. Effectivement, des films réalisés par ordinateur, des publicitaires récents, des films expérimentaux des jeunes générations canadienne, américaine et européenne sont venus enrichir ce secteur.

Des distributeurs nationaux et étrangers nous cèdent leurs copies à l'expiration de droits, contribuant de cette façon à diversifier davantage l'éventail de notre collection. Si bien que nous avons obtenu de cette manière bon nombre de films hongrois, suisses, français et italiens.

Les rétrospectives et programmes spéciaux préparés par la Cinémathèque pour divers festivals ont constitué une autre source d'acquisitions. Les recherches implicites à ce travail ont permis de découvrir des copies à priori introuvables et figurant maintenant à la place d'honneur parmi nos titres les plus précieux.

Le protocole d'entente intervenu avec la Société Radio-Canada au milieu des années 80 atteste le dépôt des films d'animation produits par le réseau français depuis 1968 et les documents y afférent. Cet imposant ensemble incluant négatifs et positifs, scénarimages, acétates, découpages, bandes sonores, dessins clés, représente une heureuse addition au patrimoine national déjà confié à nos soins.

Au coeur des archives. Photo © Cinémathèque Québécoise.

Des collections uniques
Aujourd'hui, la collection de films d'animation comprend approximativement 5.000 titres. Parmi les plus rares, on y retrouve ceux de Raoul barré, de Oskar Fischinger, de Otto Messmer, de Charles Bowers, de Winsor McCay et le fameux Matches Appeal réalisé en Angleterre en 1899 (ce film est considéré comme le plus ancien film animé de tous les temps)

Au sujet de McCay, la Cinémathèque possède la totalité de l'oeuvre - ou du moins ce qu'il en reste. On lui accorde généralement la paternité du premier véritable dessin animé réalisé aux États-Unis. Dessinateur exceptionnel, il a su appréhender les principes de l'animation moderne, à en structurer la grammaire par ses expériences inédites sur le mouvement progressif, le rythme et la caractérisation des personnages. De ce fait, McCay a joué un rôle capital et ses films ont influencé toute une génération d'animateurs aux États-Unis. Grâce aux efforts d'individus et d'institutions, y compris la Cinémathèque, certaines copies ont été sauvées de justesse. Dans les années 20, 75 boîtes de pellicule nitrate furent remises à un ami de McCay qui les conserva dans son garage durant des années. En 1947, un producteur de films publicitaires examina et catalogua les films et les éléments de tirage qui ne s'étaient pas autodétruits. Ils furent conservés pendant vingt ans dans un entrepôt aux frais de l'ami de McCay. Au moment de la rétrospective, le tout fut remis à la Cinémathèque, laquelle s'empressa de les faire transférer sur support de sécurité, car le temps pressait.

On retrouve également dans notre collection plusieurs copies 35 mm impeccables de la première génération des Félix le chat de Otto Messmer. Les films de McCay et de Messmer ont d'ailleurs fait l'objet d'une commercialisation sur vidéodisque en collaboration avec la firme américaine Lumivision.

En 1996, la Cinémathèque a reçu la plus importante donation de son histoire de la société Cinar Film. Cette maison de production, spécialisée dans les séries animées pour la télévision, nous a donné quelque 250 mètres linéaires de cellulos des émissions suivantes : C.L.Y.D.E., Croc Blanc, Le Monde irrésistible de Richard Scarry, Lulu, Robin des Bois Junior, Albert le cinquième mousquetaire, etc. La Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels a attribué à ce don exceptionnel une valeur d'environ 8.138.817 $CAN.

Depuis l'ouverture de ses nouvelles installations en février 1997, la Cinémathèque rejoint un public plus large qui découvre, dans le cadre de notre séance hebdomadaire, la grande diversité du cinéma d'animation international. De plus, la Cinémathèque inaugurera Formes en mouvement au printemps 1999, une exposition consacrée au cinéma d'animation qui restera à l'affiche de la salle Raoul-Barré jusqu'à l'an 2001.

Louise Beaudet. Photo © Cinémathèque Québécoise.

La Cinémathèque Québécoise en bref
Fondée en 1963 par un groupe de cinéphiles et de cinéastes passionnés, la Cinémathèque Québécoise a pour mission de conserver et de documenter le patrimoine cinématographique et télévisuel afin de le diffuser et de le rendre accessible à un public de plus en plus large et diversifié. Son expertise est universellement reconnue dans le domaine de la production québécoise et canadienne, ainsi que dans le domaine du cinéma d'animation international. Les efforts consacrés depuis plus de trente ans à la préservation de ce patrimoine cinématographique et les énergies déployées plus récemment dans le domaine des archives télévisuelles ont permis à la Cinémathèque de constituer des collections inestimables. Consacrée au passé et tournée vers le futur, la Cinémathèque Québécoise, est le musée de l'image en mouvement à Montréal !

Un endroit accueillant pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire, l'actualité et l'avenir du cinéma, de la télévision et des nouveaux médias :

Contact
Cinémathèque Québécoise
Tel: (514) 842-9763
E-mail: info@cinematheque.qc.ca
URL: www.cinematheque.qc.ca

L'essentiel de cet article provient d'un texte rédigé par Louise Beaudet et publié en 1988 dans le No 38 du magazine Copie Zéro.


Jean Hamel est directeur des communications de la Cinémathèque québécoise depuis 8 ans. Il travaille dans le domaine du cinéma depuis 1978.


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