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En Hommage à Jean-Luc Xiberras

En Hommage Jean-Luc Xiberras: Jean-Luc Xiberras, mare d'oeuvre du prestigieux Festival Internationaldu Film d'Animation d'Annecy nous a quitt le 26 dembre1998. Nous avons souhaitlui rendre hommage en publiant les toignagesrecueillis aupr de ses amis et collues.Article disponible en francais et en anglais.

Jean-Luc Xiberras, maître d'oeuvre du prestigieux Festival International du Film d'Animation d'Annecy nous a quittés le 26 décembre 1998. Nous avons souhaité lui rendre hommage en publiant les témoignages recueillis auprès de ses amis et collègues.

Respectueusement,Annick Teninge, Ron Diamond, Dan Sarto, Heather Kenyon. Animation World Network

J'ai choisi de saluer Jean-Luc avec ces quelques vers de Jacques Prévert. A Jean-Luc qui m'a fait découvrir l'univers multicolore du cinéma d'animation.Annick Teninge L'Ecole des Beaux Arts"Dans une boite de paille tresséeLe père choisit une petite boule de papierEt il la jetteDans la cuvetteDevant ses enfants intriguésSurgit alorsMulticoloreLa grande fleur japonaiseLe nénuphar instantanéEt les enfants se taisentEmerveillésJamais plus tard dans leur souvenirCette fleur ne pourra se fanerCette fleur subiteFaite pour euxA la minuteDevant eux."- Jacques Prévert

Jean-Luc Xiberras and Annick Teninge at Annecy 98. Photo courtesy of Ron Diamond.

Un souvenir "hors animation"

Pour ma part, j'ai connu Jean-Luc bien avant qu'il ne s'occupe du festival d'Annecy, alors qu'il organisait, avec une autre personne, des séances de cinéma à la Maison des Jeunes d'Annemasse, ville située très près de la frontière Suisse, à côté de Genève.

Puis nous avons noué des rapports soutenus, dans le cadre des préparations et des festivals d'Annecy, pour moi aussi bien au plan professionnel que de spécialiste-historien. Hors festival, nous nous sommes également rencontrés plusieurs fois, lors d'autres festivals, ou simplement lors d'un de ses passages à Genève et, naturellement, chaque fois pour parler d'animation.

Une fois cependant, nous avions décidé, il y a quelques années, de nous rencontrer non plus à Annecy ou Genève, mais dans sa maison de Monetier, cité située également près de Genève, sur le parcours d'une ancienne voie de chemin de fer désaffectée qui reliait Annemasse au Salève. Nous nous étions promis, pour une fois, de ne pas parler d'animation, ce que nous sommes parvenus à faire.

Jean-Luc nous avait invités, ma femme et moi, à un barbecue inoubliable qui nous avait permis de découvrir une facette méconnue de ses activités, ses talents de cuisinier, de jardinier, et d'hôte de maison aux qualités insoupçonnées.

Dans le jardin de sa maison, nous avons passé une journée très agréable, lors de laquelle, outre toutes sortes de régals du palais, nous avons pu goûter une viande jusqu'alors inconnue de nos papilles, le steak de thon... absolument formidable.

Pour nous, c'est un souvenir simplement merveilleux que nous conservons de Jean-Luc qui nous avait, ce jour-là, ouvert une partie de son petit paradis sur terre, qu'il traitait avec grand soin, même s'il n'y était pas souvent.

Pour moi, ce souvenir représente une partie de la reconnaissance que je lui dois, et qui ne l'enlèvera jamais de ma mémoire.

Jean-Luc... merci !

Bruno EderaTélévision Suisse Romande

Intervention de Marie-Noëlle Provent à l'occasion des obsèques de Jean-Luc Xiberras La famille de Jean-Luc a fait le choix de nous réunir à Annecy pour que nous vivions ensemble des souvenirs partagés avec lui.

Il est juste que cette ville, par mon intermédiaire, lui rende hommage.

Hommage à toi l'ami, et au travail que tu as accompli au cours de toutes ces années que tu as passé à faire d'Annecy le lieu de rencontre mondialement reconnu de l'art et de l'économie du film d'animation.

Cette manifestation qui était une grande part de ta vie tu en étais légitimement fier.

Tu l'as construite grâce à ta puissance de travail, à ton acharnement à aller toujours plus loin, à ta capacité à galvaniser ton entourage pour qu'il soit à la mesure de ce que d'aucun appelait ta démesure et qui était en fait ta volonté farouche d'être le meilleur dans ton domaine. Mais je peux en porter témoignage, ce n'est pas l'ambition personnelle qui était la motivation profonde.

Malgré les charges de l'organisation devenue de plus en plus lourde, tu n'as jamais cessé d'être un homme de culture curieux, découvreur de talents oubliés ou en devenir.

Je revois tes yeux s'illuminer quand tu nous parlais d'un auteur cubain, coréen ou iranien que tu avais déniché pour monter une exposition ou une rétrospective.

Parallèlement, parce que tu considérais qu'il fallait être de son temps, et si possible prendre un peu d'avance sur lui, tu as ouvert la porte aux nouvelles technologies et à leurs médias, au prix parfois de critiques et de coups bas qui ont heurté ta sensibilité à fleur de peau, mais qui ne t'ont jamais fait dévier d'un pouce de ta route.

Mais je crois au fond que ton vrai moteur était les relations humaines que tu vivais souvent de manière passionnelle. Les liens d'amitié que tu as tissés à travers le monde sont de ceux qui ne se dénouent jamais.

Nous garderons le souvenir de ta rage de vivre et de la volonté farouche de combattre la maladie qui t'a frappé. Tu n'as jamais douté de ta victoire. Et comment pouvions-nous en douter lorsque l'on t'a vu heureux et confiant lors du dernier Festival.

Je voudrais dire à Nathalie, Valérie et Olivier que nous partageons leur immense chagrin.

Paul Grimault, dans son discours à Hiroshima en 1985, disait:

" Un film n'est jamais terminé; c'est dans l'esprit du spectateur qu'il poursuit son chemin et que la graine, s'il y en a une, va continuer à germer." Sois sûr Jean-Luc que ton histoire n'est pas terminée aujourd'hui. Elle restera dans nos esprits et les graines que tu as plantées on déjà germé.

Marie-Noelle ProventPrésidente du Festival de 1984 a 1997

Marie-Noëlle Provent, Jean-Luc Xiberras et Georges Lacroix, NATPE 1997. © Animation World Network.

C'est en 1983, à Moscou, que j'ai connu Jean-Luc. Je préparais une émission sur le cinéma d'animation soviétique et Jean-Luc m'avait accompagnée pendant plusieurs jours : je me souviens de son émotion à la rencontre d'Ivan Ivannov Vano, le maître de tous les jeunes animateurs de Soyouz Mult Film. Je le vois encore, les bras dans le dos, la tête en avant, parcourant les studios, fouinant dans les calques, curieux de tout. Je me souviens de son plaisir à partager le thé, les oignons fris et le fromage blanc avec Yuri Norstein devant l'énorme banc-titre installé dans les locaux d'une chapelle désaffectée du vieux Moscou. Et puis ce sont tous les souvenirs qui, depuis, ont jalonné quinze ans d'amitié, et qui restent tellement vivants...

Louisette NeilLa Sept/Arte

Photo de juillet 1983 devant le Studio d'animation de Moscou. De gauche à droite : Jean-Luc Xiberras, Yuri Norstein, Louisette Neil, le cameraman de Yuri, Marie-Catherine Marchetti. Crédit La Sept/Arte.

L'animation à travers le monde a perdu un ami, un vrai, et un admirateur. Il a été fidèle à l'animation jusqu'à ses derniers jours. Jean-Luc nous a laissé le plus bel héritage dont on peut rêver, le festival d'Annecy. Devenu l'une des manifestations les plus importantes du monde de l'animation, cet évènement unique a été construit par Jean-Luc avec amour, énergie et enthousiasme. Pouvoir participer au festival que Jean-Luc nous a laissé est une expérience que je souhaite à beaucoup de futures générations d'animateurs.

Alexandre PetrovRéalisateur, Peintre, Animateur

Jean-Luc était un grand professionnel qui a fait du Festival d'Annecy la grande manifestation qu'elle est devenue.

C'était aussi un homme qui nous a donnés une sacrée leçon dans la façon dont il s'est battu contre la maladie qui a fini par l'emporter.

C'était aussi un ami, un vrai, qui, lorsqu'il avait donné son amitié, ne la retirait pas.

Françoise MaupinMedia Desk France

Le Centre International du Cinéma d'Animation est orphelin : Jean-Luc Xiberras a fait, en cette fin d'année 1998, ses valises pour la dernière fois. C'est le Cinéma d'Animation en général qui a perdu un de ses plus ardents défenseurs, un passionné érudit comme on a parfois la chance d'en rencontrer. Intarissable, inventif, curieux, fasciné, enthousiaste, le cinéma d'animation était son moteur. Aux quatre coins du monde, il allait dénicher la perle rare, avec un seul but : celui de faire découvrir ses trouvailles à toute la profession. Il avait cette qualité de regarder vers le passé pour être fidèle aux origines et d'avoir un pied dans le futur pour continuer d'avancer.

Crédit photo: Festival d'Annecy.

Le cinéma d'animation est généreux et éclectique : Jean-Luc Xiberras s'est battu et a contribué à faire connaître toutes ses facettes : hongroise, nordique, européenne, africaine, extrême et moyenne orientale mais aussi assistée par ordinateur : toute l'animation est à l'honneur à Annecy. De coups de gueule en enthousiasme contagieux, il a fait du festival d'Annecy le rendez-vous incontournable de l'animation. Adoré ou critiqué, il ne laissait pas indifférent, et partisans comme détracteurs lui reconnaîtront ce talent fedérateur, toujours à l'origine des plus belles réalisations. Un festival et un marché international entièrement dédiés au film d'animation, c'est l'oeuvre d'une vie, la sienne. Et quel résultat ! De 1983, première édition qu'il organise, à 1997, dernière biennale, on passe de 1200 à 4300 accréditations. Le vide est immense et nous laisse sans voix... Une page de l'histoire du festival d'Annecy et du cinéma d'animation est tournée, où son nom figure à tout jamais... Mais son courage, sa passion et sa détermination sont toujours présents parmi nous : Jean-Luc, nous ferons d'Annecy 99 un rendez-vous mémorable et nous sommes sûrs que ta force et ta conviction nous acompagneront encore longtemps pour mener à bien ce festival et ce marché pour lesquels tu t'es tant battu... jusqu'au bout. Le Festival d'Annecy

Jean-Luc Xiberras au stand Canal +. Annecy 98. Crédit Ron Diamond.

Il y a des gens que l'on a l'impression d'avoir toujours connu, tant ils font partie de notre univers. Et l'on ne peut en parler que de manière toute personnelle. Jean-Luc était de ceux-là.

De Jean-Luc, l'on connaissait sa présence sur tous les lieux, salons et manifestations liés à l'animation. Mais, c'était aussi l'ami toujours souriant à l'allure débonnaire, le partenaire de moments privilégiés, variés et chaleureux. Celui que l'on côtoie régulièrement, et avec lequel chaque retrouvaille semble remonter à la veille.

En 16 ans d'amitié, nous avons vécu tant de drôles d'histoires... Comment oublier nos émissions de radio à FR3 pendant les festivals, le premier marché du film, la découverte des talents, les rencontres avec des auteurs formidables, ... et celle - à toute heure - des "bons coins" d'Annecy.

Et l'ami Jean-Luc, complice de nos gags et canulars (comme celui de 1989 par exemple, pour célébrer ensemble des bicentenaires totalement surréalistes pendant le festival d'Annecy). Une facon de garder une âme de "collegien" et de faire son métier comme une passion, d'allier la gentillesse permanente à la démarche de comprendre et d'écouter; et finalement de faire preuve d'humilité.

Jean-Luc, s'il y a un paradis des gens sympathiques, j'espère que tu t'y trouves, et que lorsque tu repenses à ces moments, tu te marres, de ton large rire si jovial.

Gilbert HusProject Images Films

On te connaissait professionnel du cinéma d'animation, passionné, généreux, ayant toujours soif de découvrir encore un peu plus loin au-delà des frontières, un savoir, un savoir-faire, un savoir-être. C'est cette manière d'être qui t'a permis de tisser un réseau d'amitiés international. Le monde pour toi n'était plus qu'une ile.

Tu as été aussi celui qui, seul, va livrer un combat contre un corps malade, un combat pour la vie, mené avec la même détermination qui t'a toujours caractérisé. Ton courage, ton obstination et je dirais même, ta rigueur scientifique, t'ont amené à connaître de mieux en mieux, les limites de ton corps et à les dépasser.

Tes amis se souviennent encore de comment tu as conduit de main de maître le Festival 1997. Ils savaient que derrière les rideaux de la scène, se jouait une autre partition faite de transfusions répétées, de récupération grâce à la relaxation...

Tu ne me diras pas que ce n'était pas de la provocation que de faire les 10.000 kms pour venir au Carrefour de l'image à la Réunion, dans cette même année 1997 ? Nous étions, Pierre Ayma et moi-même, inquiets, mais cela nous faisait tellement plaisir que tu sois avec nous, à la Réunion. Pierre (loin de penser qu'il franchirait avant toi, la porte de l'au-delà) avait voulu faire avec toi le voyage, dans l'idée de te porter assistance en cas de nécesssité. Comme pour nous rassurer, tu nous parlais avec détachement de la façon dont tu gérais ta santé au jour le jour : nombre de globules qui te suffisait pour tenir le coup, petits moments de récupération...

Arrive alors cette terrible année 1998 où tout va aller très vite. Pierre qui a tant fait et tant donné au monde du cinéma d'animation, se trouve à l'heure d'un bilan. Il s'interroge, vit mal une démarche qu'il interprète comme une trahison et qui l'amène à interrompre une action qu'il avait entreprise. Tout en étant très professionnel, il fonctionnait en fait à l'affectif. Sans attendre de la reconnaissance, il avait, comme tous, besoin du respect des autres. Il se mobilise pourtant sur un nouveau grand projet de réseau d'écoles européennes et d'enseignement à distance. Et puis, il nous faut te soutenir car tu te prépares à affronter le "quitte ou double": la greffe. Nous nous voyions entre deux examens, parlant peu de la maladie mais beaucoup de ce nouveau projet qui mobilise toutes nos énergies. Te souviens-tu? Nous sommes à une semaine du "grand départ" de Pierre. vous aviez un rendez-vous, avec Françoise Maupin, toujours pour le projet en question.

Pendant ce temps, à la Réunion, j'ai un petit ennui de santé qui m'impose une hospitalisation. Vous me téléphonez tous les deux, en me disant : "sors de la, sois plus raisonnable dans la gestion de ta santé, on ne veut pas de toi dans le club !"

De ton côté, tu as déjà programmé la prochaine étape de ton combat. La généreuse donneuse compatible sera ta grande soeur. Tu es alors de plus en plus persuadé que tu auras le dessus sur ce corps malade, que tu sembles d'ailleurs dominer.

J.Luc Xiberras et Pierre Ayma dans le paysage du sud de l'ile. Créedit Alain Séraphine.

A la surprise générale, c'est Pierre qui nous quitté. Malgré ton état, tu vas faire la route avec Thierry et Anne-Marie pour être à côté de l'église où doit se dérouler la cérémonie pour les funérailles de Pierre. Tu es livide. Nous nous mettons pourtant au travail. Sans doute une façon de montrer à Pierre que nous allions poursuivre l'oeuvre commencée avec lui, avec nos limites, nos insuffisances, car son absence allait nous peser.

Tu avais toi aussi besoin d'objectifs pour gagner la bataille que tu allais engager le lundi suivant (date de ton hospitalisation pour la greffe). Tu prends à ta charge plusieurs missions qui étaient menées par Pierre, afin de poursuivre le but que nous nous étions fixé. L'enseignement à distance devient une de tes préoccupations. Nous préparons ensemble le Carrefour de l'Image 1998. Tu t'apprêtes à prendre la Presidence de "l'Institut de l'Image de l'Océan Indien". Ensemble, nous décidons de la nécessité d'un local à Paris. Nous ne savions pas que nous n'aurions jamais l'occasion de le découvrir ensemble.

Malgré l'éloignement, nous communiquions régulièrement, plusieurs fois par semaine. Tu avais parfois des moments de doute, des signes de lassitude mais tu gardais la foi en tes propres capacités à surmonter les difficultés.

La veille du dernier jour du festival d'Annecy 98, tu m'appelles pour me demander d'être impérativement au stand de Pipangai, le lendemain à 17h00, car tu as programmé un rendez-vous important pour moi. Tu nous a tous bluffés. C'est toi qui était là au rendez-vous. Un moment d'intense émotion. Nous avons tous cru alors que ta bataille était gagnée. As-tu brûlé les étapes? Personne ne le saura. Tu vas vivre par la suite une période éprouvante...

En ces instants difficiles, tu as partagé un peu de ton intimité avec moi, toi qui étais si reservé en ce qui concerne ta vie personnelle. Je te remercie pour cette marque de confiance qui m'a donné l'impression de connaître un peu ta famille, tes filles, tes soeurs, ton frère et Anne-Marie, qui allaient tous être là pour te soutenir.

Tu donneras mes amitiés à Pierre. S'il y a des voitures là-bas, veilles à prendre une climatisée pour Pierre car il ne supporte pas la chaleur!

Ne vous faites plus trop de soucis pour nous. Je vous remercie tous les deux de m'avoir fait connaître bon nombre de vos amis qui m'ont déjà témoigné de leur amitié et avec lesquels je pense continuer action, aventure, un peu de rêve à bâtir encore...

Je t'écris cette lettre, inspiré par le texte d'Henri Scott, chanoine irlandais, qui a été lu par Georges Lacroix au moment de ton départ.

Amitiés.

Alain SéraphineEcole des Beaux-Arts de l'Ile de la Réunion

Jean-Luc Xiberras et Saeid Bidokhi, Saba Co. Crédit Saeid Bidokhi.

Mr. Xiberras était un homme généreux et attentionné. Je l'ai rencontré en 1995 à Isfahan, en Iran. J'ai eu des réunions avec lui en 1997 et 1998 lors du festival d'Annecy. Lors de notre dernière réunion, le 31 mai 1998, dans son bureau au festival, je lui avais présenté notre nouvelle société et lui avait expliqué comment, en seulement trois ans, nous avions lancé la production de 35 projets d'animation. Il était surpris, et m'avait dit qu'il nous soutiendrait dans toute la mesure de ses moyens. Son enthousiasme m'avait fortement encouragé, ainsi que mes collègues. Nous l'avions invité à venir visiter notre entreprise et notre pays en février, date anniversaire de notre révolution. Mais malheureusement...

Saeid BidokhtiSaba Co.

Extrait d'un poème d'Alfred de Vigny envoyé par Jean-Pierre Quenet A Jean-Luc,

La Mort Du Loup

"Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,Que j'ai honte de nous, débile que nous sommes !Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,C'est vous qui le savez, sublimes animaux !A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisseSeul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.

Ah ! je t'ai bien compris , sauvage voyageur,Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !Il disait : "Si tu peux, fais que ton âme arrive,A force de rester studieuse et pensive,Jusqu'à ce haut degré de Stoïque fiertéOù, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.

Gémir, pleurer, prier est également lâche.Fais énergiquement ta longue et lourde tâcheDans la voie où le Sort a voulu t'appeler,puis après, comme moi, Souffre et meurs sans parler."- Alfred de Vigny

Cher Jean-Luc, La première fois que je t'ai vu, c'était "Chez Ani". "Ani", pour "Animation", c'était la boite de nuit improvisée sur le campus d'Ottawa, au rez-de chaussée d'un building, pendant le festival du film d'animation ; ça devait être en août 82. Tu étais au bar, seul, juché en blanc au sommet d'un tabouret. Les quelques rares français du festival, nous étions assis autour d'une table basse. L'un d'eux m'a dit que tu serais le prochain directeur du festival d'Annecy. Je suis allé vers toi, je t'ai invité à te joindre à nous. A ce moment, tu m'as donné dans un seul sourire ce que tu n'as depuis jamais cessé de nous accorder : ta confiance, ta gentillesse, et ce drôle de nuage dans tes yeux qui était le constant prélude à ta magie, qui consistait à donner aux rêves leur vie terrestre. Sur ton berceau, une fée je suppose avait dit que ton talent serait de permettre aux choses et aux gens, aux projets et aux idées, de prendre toute leur dimension, aussi loin qu'ils le promettaient. Et tu as fait de notre petit festival d'alors le très grand festival qu'il méritait de devenir. Tu auras été le Little Big Man d'un Little Big festival. Une fois que je t'avais décrit les quelques idées que tu m'as permis de réaliser, tu accordais les moyens qu'il fallait, tu faisais confiance, tu savais que ce serait bien. Et, de toutes ces confiances que tu as dû accorder, aux uns et aux autres, s'est peu à peu dépliée la chrysalide qu'était Annecy, avec, dans les nuits de ses salles, les reflets de tous ces rêves faits films. Des rêves dont inlassablement tu visitais les auteurs à travers le monde, et qu'en Monsieur Loyal des songes, tu ramenais sur tes écrans. Ta dernière victoire, malgré les sceptiques, aura été de réussir, de façon incontestable, que notre festival réussisse son passage à l'annualisation. Tu nous as fait croire à tous, anesthésiant nos inquiétudes, avec à l'hôpital ta grosse serviette bourrée de dossiers sur le fauteuil à ton chevet, que finalement rien n'était si grave. Même la maladie, tu a su la faire douter, mais elle s'est ressaisie, réalisant comme dans une course-poursuite de cartoon que c'était elle la poursuivante, et pas l'inverse, mais c'était bien joué... On a toujours pudeur aussi longtemps que les gens vivent, à leur dire qu'on les aime. Et puis arrive le temps où l'on ne peut plus rien leur dire. Et on se retrouve tout seul, trop tard, comme moi maintenant avec mon petit compliment. Si j'ai accepté de l'écrire, c'est seulement pour avoir, le temps de le rédiger, cette occasion de te dire enfin ce que j'avais négligé de te dire depuis toutes ces années de complicité. Car ce que je viens d'écrire n'est pas vraiment destiné aux autres, parce que tous, j'en suis sûr, tous ressentent aujourd'hui pareil que ce que je viens d'exprimer. Au revoir, Little Big Man. Gérald Dupeyrot Auteur, producteur. Ancien membre du conseil d'administration des JICA, organisateur depuis 1983 de trois colloques sur la publicité, de deux "Coups de coeur" du festival...

L'engagement de Jean-Luc Xiberras pour l'animation française était superbe et, sans lui, l'animation française n'aurait pas aujourd'hui la place qu'elle mérite, parmi les premières de ce monde. La qualité de son soutien et la force de ses idées en faisaient un être unique. L'hommage post mortem que je lui rends aujourd'hui n'atténue en rien l'admiration et l'amitié que je lui portais de son vivant. Christian Davin Président du Syndicat des Producteurs de Film d'Animation (SPFA)

Cher Jean-Luc, Je t'aimais bien Jean-Luc. Nous étions presque voisins. A l'échelle de la planète, Valence-Annecy, c'est la porte à côté. Tu m'as vu grandir avec Folimage en même temps que je t'ai vu te ratatiner aux JICA. C'était comme si l'ambition, toujours plus forte, que tu avais pour ce festival, t'enfoncait, d'année en année, la tête dans les épaules. Si tu n'avais presque plus de cou, c'est parce que ton cerveau s'était considérablement rapproché de ton coeur, la raison et les sentiments ayant fini par presque se rejoindre. Notre profession a eu bougrement de la chance de bénéficier des services d'un homme sans cou. Le sait-elle? Puis, la maladie, les angoisses terribles devant la mort, les thérapies et enfin ta résurrection en moine boudhiste en mai dernier. C'est l'image que je garderai de toi, la tête de nouveau dégagée, rayonnant, plein de naïveté et d'espoir. Jacques-Rémy Girerd Folimage

Affiche Annecy 60.

C'est avec beaucoup de peine que j'ai appris d'Anne-Marie Meneux, le 26 décembre 1998, la mort de notre ami Jean-Luc. Sa guérison semblait assurée puisqu'il avait été aussi discret relativement à la gravité de sa maladie que pour les problèmes considérables à surmonter afin de réaliser l'événement majeur qu'est devenu le Festival. J'ai eu peu d'occasions de rencontrer Jean-Luc, mais chaque fois j'observais son extrême humilité, son esprit conciliant, malgré la tension des responsabilités ! Il donnait bien des raisons de l'aimer et de le respecter pour sa sincérité et son dévouement naturel. Je lui suis redevable de plusieurs initiatives bénéfiques et de souvenirs mémorables. La préoccupation constante de Jean-Luc était de faire valoir une forme d'art qui est loin de rivaliser en popularité avec les longs métrages de prise de vue réelle ou les "matches de football" ! C'était notre propos lors d'ultimes retrouvailles en 1997 au festival d'Espinho. Les anciennes Journées Internationales du Cinéma d'Animation (JICA) d'Annecy étaient des confrontations conviviales, mais sans grand impact. Au prix d'un travail persévérant et exténuant, Jean-Luc a donné à ces Journées des proportions capables de se mesurer au gigantisme de la mondialisation et d'ouvrir ainsi un marché sans limites aux oeuvres présentées. Jean-Luc a aussi le mérite d'avoir invité les animateurs de pays lointains, oubliés et isolés, leur donnant ainsi l'occasion de se confronter et de faire valoir leur travail. Nous devons tous à Jean-Luc Xiberras une part de notre pouvoir de créer et de notre accès aux écrans du monde ! Au delà des mots, le plus bel homage que nous puissions lui rendre sera de nous efforcer d'élever l'animation au stade d'un art qui soit incontestable, à l'égal des plus belles créations cinématographiques. Je ne doute pas que son esprit vienne suivre dans l'avenir un festival auquel il s'est consacré tout entier. Frédéric Back Cinéaste-Illustrateur

Nous avons découvert le Festival d'Annecy au moment où Jean-Luc en devenait directeur, c'est dire à quel point son image et celle du Festival resteront à jamais associées dans notre souvenir.

Nous garderons surtout de Jean-Luc l'impression de quelqu'un de passionné. Une passion d'autant plus forte qu'elle s'exprimait sans effets de manche ni gesticulations. Une passion tellement intense qu'elle contrastait vivement avec son physique et son attitude courante, empreinte d'une certaine retenue. Jean-Luc n'était ni un extraverti ni un bonimenteur, même s'il lui arrivait de défendre son enfant, quand cela s'avérait nécessaire, avec bec et ongles.Il nous parlait encore de "son" festival il y a à peine trois semaines, d'une voix affaiblie, et pourtant on sentait encore à quel point il y tenait toujours. Sa passion, il était arrivé à la communiquer à une équipe et à nous tous qui le fréquentions et qui trouvions dans sa détermination un encouragement à poursuivre dans cette voie.

Pour beaucoup de directeurs de festivals d'animation (et sans doute d'autres), Annecy est et restera la référence. Et l'attitude de Jean-Luc face à la maladie, un modèle de courage et de dignité. Même ceux qui l'appréciaient moins ont été impressionnés par cette énergie et ce combat, tellement mêlés au festival lui-même que l'on n'arrive pas à parler des deux de manière distincte.

Entre autres qualités, nous avons de longue date apprécié sa fidélité en amitié, une denrée peu courante. Il nous avait fait confiance à diverses reprises, dans différents projets que nous avions menés pour Annecy. Nous n'avons jamais eu qu'à nous réjouir de ces collaborations où l'on sentait tellement que la seule chose qui importait au bout du compte, c'est que son festival en retire un "plus", que le public reparte chaque fois plus satisfait. Toujours plus grand, toujours plus touffu, plus diversifié, c'était devenu une sorte de marque de fabrique au point qu'il nous arrivait de plaisanter à ce sujet, avec lui. Pas trop, car "son" festival le tenait tellement à coeur qu'il ne pouvait envisager que l'on pût en parler avec légèreté.

Jean Luc a tant donné au festival que ceux qui s'y rendent comme ceux qui le font vont désormais se sentir orphelins. Le plus bel hommage que nous puissions lui rendre serait sans doute de continuer à cultiver le festival que nous aimons, comme une plante très belle et très rare qui donne un sens à ce que nous faisons.

Philippe MoinsCo-Directeur du Festival du dessin animé et du film d'animation de Bruxelles

J'ai tellement espéré que tu sortirais gagnant de cette bataille contre la maladie. Je croyais que ton regard enthousiaste te sauverait. Ton regard si pétillant quand il croisait celui de tes amis ou se nourissait de films bourrés de talent et de vie. Tu vas me manquer Jean-Luc, et ton regard va me manquer.

Luca RaffaelliDirecteur Artistique du festival " The Animated Castles"

Jean-Luc avait fondé une grande famille, qu'il réunissait chaque année avec tendresse, exigence et obstination.

Tendresse pour ces grands enfants qui refusent d'abandonner leurs rêves et de sacrifier leur imaginaire, et persévèrent dans l'expression imagée de leur fantasmes ;

Exigence pour cet art difficile dont il défendait la qualité, l'originalité et la richesse, quelqu'en soit le public et la diffusion ;

Obstination face aux incroyants et aux sceptiques pour imposer cette expression comme un art à part entière et Annecy comme le rendez-vous mondial du film d'animation.

L'animation est aujourd'hui largement diffusée sur les petits et grands écrans et considérée comme un enjeu culturel et économique international. Faut-il toujours que les parents se retirent lorsque les enfants volent de leurs propres ailes ?

Alexandra TholanceDéléguée Générale du Syndicat des Producteurs de Film d'Animation (SPFA)

Salut et Merci Jean-Luc!

Jean-Luc Xiberras fut sans nul doute l'une des personnes ayant le plus contribué au développement de l'industrie de l'animation, et plus particulièrement du film d'auteur, au cours des quelques vingt dernières années. Il nous a offert, à travers vents et marées, un lieu de rencontre et une plate-forme dont la visibilité est certainement des plus déterminantes à travers le monde pour tout ceux et celles qui ont choisi de se consacrer au cinéma d'animation. Dans bien des cas cette plate-forme a permis la production de films marquants qui autrement n'auraient jamais pu voir le jour.

Passionné, déterminé, extrême autant que modeste, il a certainement su communiquer sa passion à bon nombre d'entre nous qui aujourd'hui travaillent dans cette industrie.

Le Festival d'Annecy ne sera plus jamais le même. Il a perdu Jean-Luc. Espérons que ce merveilleux rendez-vous de l'animation restera fidèle à son héritage et à celui qui s'y est donné corps et âme.

Merci Jean-Luc.

Bernard LajoieProductions Pascal Blais

J'ai eu la chance de rencontrer Jean-Luc Xiberras il y a quelques années à Annecy. En 1993, il m'avait proposé d'être membre du jury du festival. Nous avions donc eu l'occasion de participer ensemble à de nombreux débats (souvent très animés !). J'avais découvert en lui un homme tout à la fois d'attentions et de passions. Le soir, après les projections, j'avais beaucoup de plaisir à sortir dîner et à parler avec lui jusque tard dans la nuit.

Deux ans plus tard, je suis revenu à Annecy pour animer à sa demande, et en duo avec lui, la soirée de remise des prix. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce fut "remarqué". Le spectacle que nous avons offert sur scène, Jean-Luc et moi, était assez baroque, souvent drôle et incontestablement bordélique.

Certains dans la salle ont sûrement dû envisager de nous lancer des tomates... Mais c'est resté pour nous un vraiment bon souvenir; c'est la raison pour laquelle j'avais sans hésiter dit oui à Jean-Luc pour recommencer en juin prochain.

Evidemment, je ne goûte pas sa dernière blague, de ne plus être présent sur les bords du lac pour nous y accueillir avec son enthousiasme et sa chaleur.

Philippe DanaCanal +

Cher Jean Luc,Tu nous a laissés sur le bord du lac Et sans toi il va nous paraître moins animé.Ce n'est qu'un au revoir l'ami.

Françoise Reymond, Alain Burosse, Véronique Carpentier, Patrice Bauchy, Maria Perez, Pascale Faure, Brigitte Pardo, Marie-Laure Tardy, Joëlle Matos, Philippe Dana.Crédit Canal +

Texte de Pierre Jacquier lu à l'occasion des obsèques de Jean-Luc Xiberras J'aurais voulu être parmi vous pour cet adieu d'Annecy à Jean-Luc. Nous avons vécu un projet commun, commencé comme une aventure dont il a fait un succès. Pendant des années j'ai admiré sa vision à long terme et sa ténacité à la réaliser, jour après jour. Il a su y associer beaucoup de participants, les entraînant ou les poussant, infatigable, si bien que l'on peut dire que cette oeuvre commune, le CICA, le Festival et le MIFA, c'est à lui qu'on les doit.

J'ai plus admiré encore sa lutte secrète et opiniâtre contre une terrible maladie dont il ne se plaignait jamais sinon comme d'une difficulté supplémentaire à vaincre pour continuer son oeuvre.

Peu d'hommes sont à la hauteur de leur destin. Jean-Luc était de ceux-là. Je suis fier d'avoir travaillé avec lui et profondément triste de le voir nous quitter.

Pierre JacquierPrésident du Festival d'Annecy de 1977 à 1984

Jean-Luc, nous tenons tous à te remercier infiniment pour nous avoir communiqué ta passion pour le cinéma d'animation et avoir fait de nous une équipe solide et soudée, ce qui nous permet aujourd'hui de continuer ensemble malgré ton absence, pour poursuivre ce travail fantastique que tu as fait pour l'animation.

Compte sur nous pour continuer à faire du festival d'Annecy un rendez-vous riche en surprises et en événements, comme tu nous a appris à le faire ces dernières années, où avec l'annualisation, tu avais choisi chacun de nous, pour créer autour de toi une équipe permanente.

Admiration, c'est le premier mot qui nous vient à l'esprit, nous tous qui t'avons vu ces derniers mois mener ce combat contre la maladie avec un courage et une volonté exemplaires, à tel point qu'on ne pensait pas qu'elle aurait, en cette période de fêtes de fin d'année, le dernier mot...

Alors, encore Bravo et Merci.

L'Equipe du Festival

Hiroshima 1996. De gauche à droite: Hubert Tison, Michiru Samura (du festival d'Hiroshima) et Jean-Luc Xiberras. Crédit Hubert Tison.

J'ai connu Jean-Luc Xiberras en 1982 lors de sa première visite au Canada. Depuis, tous les deux nous étions régulièrement en contact. Jean-Luc aimait le Canada et surtout son cinéma d'animation, auquel d'ailleurs il a souvent rendu hommage. Durant les derniers temps, il me parlait très peu de sa santé ; je le savais très malade, il était très courageux devant cette épreuve. La dernière fois que je lui ai parlé, c'était au mois d'août et il me disait que tout allait très bien et qu'il était confiant.

Mais soudainement tout a basculé. La nouvelle du décès de Jean-Luc nous est parvenue par Anne-Marie Meneux, une nouvelle étonnante qui m'a fait beaucoup de peine.

Je conserve de Jean-Luc de très beaux souvenirs. Lorsqu'il visitait le Canada, il ne manquait jamais de venir à la maison, il aimait rencontrer les amis. Il nous racontait son travail, ses défis et ses rêves. Il aimait beaucoup rire. Il nous parlait toujours de ses fameux radis qu'il espérait planter un jour dans son potager, mais il n'en n'avait jamais le temps. Dans la conversation, le travail prenait toujours tout l'espace. Il était passionné pour le Festival d'Annecy et il était aussi passionné pour l'animation. Il voulait toujours faire mieux. Grâce à un travail gigantesque et à sa ténacité, il a hissé le Festival d'Annecy au premier rang des plus grandes manifestations internationales du cinéma d'animation.

Jean-Luc Xiberras nous a quittés, mais sans oublier de nous laisser un bel exemple de courage, de force et de passion.

Salut Jean-Luc,

Hubert TisonProducteur

Hiroshima 1996. Jean-Luc Xiberras et Georges Lacroix. Crédit Hubert Tison.