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Bruxelles, le Festival

Philippe Moins, the Festival's founder, presents the whys and wherefore's of the event which starts off each festival year.

Depuis plusieurs années, Bruxelles est devenu synonyme de Communauté européenne. La Capitale de l'Europe est en même temps une ville millénaire où vivent et travaillent un million d'habitants. Bruxelles est aussi le siège d'un Festival d'animation qui a trouvé sa spécificité au cours de seize éditions.

A la fin des années soixante-dix, on pouvait compter sur les doigts d'une main les films d'animation non disneyens qui avaient été vus par le public belge : mis à part "le Sous marin jaune" de George Dunning, "la Planète sauvage" de René Laloux, le "Bella Donna" japonais et les divers films de Ralph Bakshi, le cinéma d'animation était une denrée rarissime en Belgique. Suffisamment attractive cependant pour qu'une poignée de cinéphiles ait l'idée farfelue de créer un festival d'animation, baptisé à l'époque "les Rencontres du cinéma d'animation".

C'était en 1982. La première édition des "Rencontres" rassembla 1.500 personnes dans une petite salle de la Capitale. En soi un événement suffisamment important pour que l'association qui l'organisait à l'époque (la Confédération parascolaire de l'Enseignement officiel) décide de la reconduire et de lui donner un caractère annuel.

Depuis, le festival a lieu tous les ans. Il a changé d'appellation: de "Rencontres", il est devenu "Semaine du dessin animé' (de 84 à 88), puis "Festival du dessin animé et du film d'animation" (depuis 89). Il a aussi changé de structure : hébergé un temps au sein d'un atelier de cinéma d'animation (Graphoui), il est depuis 1989 organisé par Folioscope, une association sans but lucratif dont c'est l'activité principale.

Si aujourd'hui le festival accueille en moyenne trente mille participants et est partiellement décentralisé dans deux autres villes du pays (Liège et Gand), il a gardé de ses origines une caractéristique essentielle : Il s'adresse en premier lieu au public, avant d'être un rendez-vous de professionnels.

Cowboys de Phil Mulloy.

Un public curieux

Nous nous sommes souvent dit au Festival que nous avions de la chance : Le public de Bruxelles fait preuve d'une belle curiosité, toujours prêt à nous suivre dans nos divagations. Pas à l'aveuglette, car il sait séparer le bon grain de l'ivraie. Mais enfin, nous avons toujours été surpris de voir une foule aussi nombreuse se presser pour voir les frères Quay, William Kentridge, David Anderson, Caroline Leaf et beaucoup d'autres. Quarante ans de nivellement par le bas à la télévision (pour schématiser) n'ont pas annihilé les facultés d'éveil d'une frange non négligeable du public bruxellois, et c'est une satisfaction pour nous de penser que nous y avons contribué à notre manière..

Il faut dire que nous avons toujours dosé avec une balance d'apothicaire les "locomotives", les concessions au goût dominant, les découvertes et... les éventuelles provocations. Ainsi, une ouverture du festival où des films de Phil Mulloy côtoyaient des films plus "gentils" a laissé une très forte impression à ceux qui l'ont vécue...

L'idée que des projections puissent susciter des controverses passionnées ne nous a jamais inquiétés!

Une sélection sans compétition

Il y a à l'origine du festival un choix que nous avons maintenu jusqu'ici: celui de ne pas faire de compétition. Il nous donne une très grande liberté dans nos options et ne décourage apparemment pas les producteurs ou les réalisateurs, au contraire. Certains sont d'ailleurs ravis de découvrir les réactions d'un "vrai" public.

Le fait de compter avant tout sur celui-ci pour assurer la viabilité économique du festival a dicté des choix dont nous n'avons pas à rougir : Huit ans avant leur consécration à Annecy et dans d'autres festivals, le studios Aardman faisaient un triomphe à Bruxelles avec la première rétrospective qui leur ait été consacrée! John Lasseter fut un de nos premiers invités (en 84): Il était venu présenter trente secondes d'animation par ordinateur; il a tissé à Bruxelles des relations durables. Tim Burton était présent la même année. Son '"Vincent" fascina beaucoup de monde, dans un programme que nous avions baptisé "l'animation des années quatre-vingt".

La programmation du Festival de Bruxelles a une saveur, cela a l'air prétentieux de le dire nous-mêmes mais nous le pensons sincèrement. C'est que l'absence de compétition nous donne le droit d'être très subjectifs dans nos choix et de ne pas sacrifier aux dosages complexes de la diplomatie. C'est sans doute la raison pour laquelle l'animation britannique a été très abondamment représentée ces dernières années à Bruxelles. Nous n'y pouvons rien, ils sont souvent remarquables. Et cela ne nous a jamais empêché de montrer des films albanais, portugais, maliens, ukrainiens, ou...belges.

Logo de Folioscope, organisatrice du Festival.

Une vitrine pour la Belgique

Pourquoi ne pas l'avouer, nous sommes heureux de pouvoir mettre en avant la production belge d'animation, mais les choses sont claires : dans notre sélection internationale, il n'a jamais été question de sur représenter la Belgique. Par contre, les séances baptisées fort explicitement "C'est du belge" permettent aux étrangers de se faire une idée de la production autochtone, qui est une des spécificités de Bruxelles.

La Belgique est constituée de trois communautés linguistiques distinctes. (française, flamande et germanophone) Elle connaît, comme toutes les entités composites, des tiraillements d'ordre linguistique ou culturel. Le Festival de Bruxelles, s'il est francophone, n'a jamais pratiqué d'ostracisme à l'égard des autres communautés, au contraire. Les productions flamandes sont souvent bien représentées, ce que leur qualité justifie pleinement. De même, la communication du festival est déclinée dans trois langues : le français, le néerlandais et l'anglais.

Une définition non restrictive

L'animation, pour le Festival de Bruxelles, n'a jamais été un petit monde fermé, où quelques initiés se font plaisir en se congratulant mutuellement. Cela signifie entre autres que la définition que nous avons donnée au cinéma d'animation est peu restrictive : quand nous jugeons un film digne d'intérêt, nous n'en privons jamais le public, sous prétexte qu'il n'appartiendrait pas à l'animation au sens technique. "Home of the Brave" de Laurie Henderson ou "Dark Crystal" de Jim Henson ont ainsi été programmés au festival, à la grande stupéfaction de quelques uns.

Je revois encore l'air dubitatif de certains lorsque nous avons décidé de faire un programme complet d'images de synthèse, avec entre autres des images de simulateur de vol! C'était en 87, les films étaient projetés en vidéo Barcovision, encore une hérésie pour les puristes d'alors. Depuis, qui oserait écarter les images de synthèse d'un festival d'animation...

Mais trêve de souvenir d'anciens combattants...

Les enfants

Ils constituent un bon quart de l'audience globale du festival : ils viennent en masse avec leurs parents l'après midi. Nous tissons toujours des liens avec les milieux scolaires. Pour ce type de séance, nous faisons la part belle aux longs métrages. Les Disney s'y taillent souvent une part de choix, mais des programmescourts métrages vraiment internationaux (doublés en direct par des comédiens) donnent aussi une image non univoque de la production mondiale. La Chine, les pays d'Europe du Nord et de l'Est y ont toujours trouvé une écoute très attentive.

Les courts métrages

Bon an mal an, c'est une centaine de courts métrages qui sont montrés dans l'enceinte du festival. Certains figurent dans des rétrospectives consacrée à un réalisateur, un studio ou (moins fréquemment) une thématique. A côté de grands classiques comme Frédéric Back, Paul Grimault, Youri Norstein, Jan Svankmajer ou Paul Driessen, nous aimons mettre l'accent sur des personnalités un peu moins connues, comme Paul et Menno de Nooijer, Barry Purves, Marv Newland, Jacques Rouxel, Michael Dudok Dewit,...

Mais la section phare du festival est bien sûr la sélection officielle, où des films des quatre coins du monde figurent sans aucune hiérarchie, dans des programmes où nous dosons recherche esthétique, humour et contenu. A Bruxelles, nous aimons les films qui véhiculent du sens et ont des tripes, ce qui manque à tant d'exercices de style "image par image".

Insektors de George Lacroix et Renato © Fantôme

Une équipe à géométrie variable

Des expos (Staréwitch, Kratky film,...), des séminaires, des ateliers pour enfants, des séances "making of" (en plein développement depuis deux ans, elles ont déjà accueilli des gens aussi différents que l'équipe de Aardman, Kihachiro Kawamoto, des représentants d'ILM, Pixar, PDI, Rhythm and Hues, Fantôme,...), complètent un festival pour lequel une équipe de trois personnes se dépense toute l'année. Elles sont rejointes les trois mois qui précèdent le Festival par beaucoup d'autres : ils sont six, puis douze et se multiplient ainsi jusqu'à l'ouverture du festival! Leur nombre reste ensuite stable jusqu'à la clôture, du moins on l'espère, puis l'équipe revient rapidement à sa dimension initiale.

Visionner des films, trouver des sponsors, répondre au courrier et renvoyer les copies à temps, timbrer des tonnes de courrier et négocier avec des tas de gens, c'est la vie quotidienne à Folioscope. Ainsi vit un festival d'animation parmi d'autres, avec ses petits tracas et ses grandes émotions.

Affiche du Festival 97.

Philippe Moins a créé le festival de Bruxelles en 1982 et le co-dirige actuellement avec Doris Cleven.

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